Description
Montre de poche à calendrier perpétuel et répétition minutes avec deux peintures sur émail signées Rohr/Poluzzi sur une face et Poluzzi/Rohr sur l'autre.
Bien que les complications de cette pièce soient admirables en elles-mêmes, sa valeur principale réside dans les deux peintures miniatures sur émail qui représentent la quintessence de la virtuosité de deux des plus grands émailleurs du XXe siècle, faisant de cette montre de poche le témoignage tangible d'une transmission des savoir-faire.
Carlo Poluzzi (1899-1978) qui, dès l'âge de 15 ans, se familiarise avec la grande tradition genevoise en entrant comme apprenti dans la manufacture des Émaux de Genève, manifeste précocement ses dons pour ce métier. Formé au cœur de la Fabrique, mais soigneusement préparé à l'étude du dessin par les cours qu'il suit à l'École de Beaux-Arts, il conquiert très vite une totale maîtrise de la peinture sur émail. À peine âgé d'une vingtaine d'années, il dirige la quinzaine d'artisans qui travaillent dans l'atelier d'émaillerie des Émaux de Genève. Très vite sa réputation rayonne, lui garantissant un travail régulier pour de riches particuliers et pour les plus grandes marques horlogères de la place genevoise, telles que Patek Philippe ou Vacheron Constantin .
Née à Genève en 1939, Suzanne Rohr grandit dans une famille baignant dans les arts classiques. Intéressée par le dessin et la peinture dès son plus jeune âge, elle manifeste sa passion pour la finesse et la perfection de chaque trait. À la fin de sa scolarité, elle découvre, au Musée d'Art et d'Histoire de Genève, une exposition d'émaux qui l'émerveille. Elle suit alors une formation d'émailleuse et de peintre sur émail à l'École des Arts Décoratifs de Genève où elle a pour professeur Elisabeth Juillerat et obtient son diplôme fédéral en 1959. Elle était la seule élève de sa classe.
En 1960, ne trouvant pas de place de travail, Suzanne Rohr ouvre son propre atelier. C'est le début de sa carrière indépendante. De 1960 à 1967, elle crée des bijoux émaillés, des tasses et des œuvres d'art utilisant les techniques du cloisonné et du champlevé. Elle rencontre alors Carlo Poluzzi qui deviendra son mentor pendant les 28 années suivantes. En travaillant étroitement avec lui, elle affine sa technique et se consacre entièrement aux miniatures sur émail. Suzanne Rohr est lauréate du Prix Gaïa 2019.
La pièce acquise par le MIH date de 1966 et marque d'une pierre blanche l'accomplissement de Suzanne Rohr alors disciple de Carlo Poluzzi. C'est au travers de cette pièce que le travail et la virtuosité technique de Suzanne Rohr sont officiellement reconnus par son maître, qui co-signe les miniatures avec elle. Anita Porchet, ancienne protégée de Suzanne Rohr, nous a confié combien cette pièce fut l'une des plus importantes de la carrière de Suzanne Rohr. "Ces émaux furent une consécration pour Suzanne ! Pour l'une des peintures, c'est le modèle de la Mère et l'enfant (1859) d'après Van Muyden alors exposée au Musée d'Art et d'Histoire de Genève qui avait été choisi ". Cette peinture miniature, fruit de plusieurs semaines de travail, reflète divinement l'émotion de la peinture d'origine. À son avers, la représentation des enfants faisant la moisson est toute aussi brillamment exécutée. On notera spécialement la beauté du ciel où les nuages semblent danser délicatement sous les yeux de celui qui les contemplent.
La transmission du savoir-faire d'une génération à l'autre s'exprime ainsi visuellement à travers ce garde-temps d'exception. Si la fermeture de la classe d'émail a marqué une rupture dans les années 1970, celle-ci ne parvient pas, néanmoins, à annihiler l'intense activité de création dont témoignent les rares émailleurs d'aujourd'hui.